Le premier salon du vin féministe dans le Beaujolais !

Actualités Locales

Publié le 09 avril 2025

L'actu se jouait avec la commission d'enquête de l'Assemblée Nationale et le procès de Gérard Depardieu pour le cinéma. 

Pour les structures viticoles, les actions cohabitent avec l'art de la vinification grâce à Paye ton pinard, association luttant contre les violences sexistes et sexuelles.

Les 5 et 6 avril, à Belleville sur Saône dans le Beaujolais, se tenait le tout premier salon du vin féministe dédié aux vigneronnes : On lève son verre et on se casse ! Des domaines de toute la France, des graphistes, artistes, associations et tables rondes, conférences, stand up, flash tatoo et DJ set... Une secousse gustative et humaine, rendue possible par la mise en avant des talents féminins et des collectifs.

Une cinquantaine de vigneronnes, négociantes, productrices, seules, en couple ou en collectif, grandes et petites exploitations. Il n'y avait qu'un seul pré-requis pour exposer : être une femme.

"Jusqu'à l'année dernière, le fait que l'on zoom sur le genre, ne m'attirait pas. C'était même assez rédhibitoire" témoigne Gaëlle, vigneronne du domaine Gaëlle Passas, implantée en Ardèche, "puis j'ai rencontré des nanas, fait un premier salon dans le sud Ardèche, et ce que j'ai préféré, c'est justement que c'étaient des femmes pour les femmes ! Il y avait de la bienveillance, de la sollicitude et de l'entraide." Gaëlle possède 1 hectare. Une installation progressive depuis 2016, sans prise de risque ni endettement "je plante de petites parcelles, au fur et à mesure que j'ai de l'argent et j'achète le matériel de la même manière. Du coup, je n'ai pas de crédit, et c'est très confortable, mais c'est lent". Gaëlle ne travaille plus ses sols, elle expérimente beaucoup. "Parfois, on se plante et parfois, on aboutit à de petites merveilles !"

À l'image de l'ensemble des exposantes. Des identités marquées, de la recherche dans les goûts, mais aussi dans les méthodes de culture et de vinification. Caroline Pariset, du Domaine de l'Aubraine travaille en bio, avec des chevaux, en traction animale. Avec son mari, ils proposaient leur service aux vignerons jusqu'à ce que l'un d'eux, décide de réduire ses parcelles. "On n'aurait jamais pu s'installer sans ça. Ce n'est pas du tout l'usage. On pousse les jeunes à reprendre la cave des parents, à rester dans une coopérative et à s'agrandir. Dans mon village, on est les plus petits et les seuls indépendants. On gère toute la chaine, de la culture à la vente. Ça nous permet de travailler sur la qualité de nos vins et sur celle de notre quotidien. On ne pourrait pas être autant à l'écoute du vivant si on avait plus d'hectares."

Camille Goudard, 27 ans, a repris l'activité de ses parents, mais pour fonder son domaine Goudard et Filles. Elle est sortie de la coopérative "je voulais être indépendante, gérer moi-même et être mon propre patron".

Géraldine Dubois du domaine La Têtue et Nathalie Cornec de la cave de vinification Pour, ont fait le choix d'une activité urbaine. L'une à Lyon, l'autre à Marseille, elles développent exclusivement le circuit court, bio et local, dans cette filière où 32% de la production part à l'étranger (chiffre France AgriMer 2022). Des engagements forts et remarqués.

Des femmes, mais des professionnelles avant tout

Remarqué également le domaine de Lestignac dans le Périgord où Camille et Mathias Marquet développent l'agroforesterie et la biodynamie. À force d'aléas climatiques, ils ont dû diversifier avec du négoce en allant chercher d'autres raisins à vinifier "nous les avons sélectionnés auprès de vignerons qui partagent nos valeurs d'une agriculture plus résiliente et durable" tout en poursuivant un travail de longue haleine avec leurs propres raisins. Des cépages oubliés et/ou endémiques pour dévoiler en profondeur la typicité du terroir. "Être présentes ici aujourd'hui est très important. Nous sommes venues à plusieurs du même territoire. Nous n'avons jamais le temps pour nous retrouver. Avec ce voyage, c'était l'occasion. C'est important de casser le sentiment d'isolement et de solitude."

"Elles nous ont fait confiance pour ce premier salon, je leur adresse un grand merci." Isabelle Perraud, vigneronne Domaine des Côtes de la Molière et organisatrice de l'événement précise que le salon était ouvert à toute forme d'agriculture. Les filières bio, biodynamie et vins naturels ont répondu présentes. Isabelle exprime un petit regret : "le sujet concerne tout le monde, nous souhaitons vraiment nous positionner comme transpartisanes, en faveur de toutes les femmes" . Convaincue, elle poursuit : "Il faut des événements comme ceux-là pour mettre en valeur leur travail. Des moments de confiance, d'échange, de rencontre pour évoquer notre place dans le monde viticole et dénoncer les injustices."

Sensibiliser et écouter

Tout part d'un compte Instagram qu'elle crée en 2020 pour répondre aux attentes des victimes de violences sexistes et sexuelles dans le monde viticole. De là est née l'association Paye ton Pinard. "C'est extrêmement difficile de dénoncer les violences, encore plus quand cela concerne ton milieu professionnel. Tu prends des risques énormes, puisque ta parole peut impacter ton équilibre économique. Tu peux perdre tes clients, ton poste..." L'association est un espace d'expression et d'écoute pour les victimes. Elle a aussi pour vocation de sensibiliser et de recueillir des témoignages. "La parole d'un homme est toujours entendue. Celle d'une femme beaucoup moins, surtout si elle s'indigne, se positionne pour dire stop. On est plus forte ensemble. Toutes nos voix finissent par compter."

Isabelle Perraud.

Isabelle Perraud.

Le souhait pour l'année prochaine : continuer d'exister pour les milieux ruraux : "Je sais que le féminisme reçoit un écho plus favorable dans les grandes villes. Surtout à Lyon. Mais on doit poursuivre nos efforts localement, faire de la communication, ramener encore plus de monde vers ces sujets. Montrer que nous sommes là." termine Isabelle. 

 

Sur le salon, de l'engouement, de la joie, une facilité déconcertante pour créer du lien et découvrir les vins, sans se sentir à côté de la plaque. Un public hétéroclite et nombreux pour donner plus de place aux femmes, s'ouvrir à davantage de richesse et d'exploration, apprendre à se sentir en proximité avec des sujets fondamentaux, en maturation.