Le fabuleux destin du Haricot Viande

Actualité

Publié le 28 novembre 2024

Laetitia Chalandon

J'ai huit ou neuf ans, de visite chez ma grande tante, paysanne et grande cuisinière. Je ne la connais pas beaucoup mais je sens ma mère, illuminée d'un bonheur profond à des retrouvailles qui lui son chères. Ma grande tante est gigantesque et chaleureuse. Son cœur généreux et immense, qui n’ayant pas eu d’enfant à chérir, transforme tous les aliments en montagne d’amour. Ce monde paysan, ses secrets, sa modestie, sa terre et son climat, s’invite dans la maison de pierre, comme un vieux compagnon de route, indissociable à ce couple simple et tendre. La brioche aux proportions démesurées repose sur le haut de la cuisinière à bois. Le goûter sera une merveille.

Cette joie calme, reposait dans mes étagères, paisible, comme un sourire de grand-mère.

Madeleine enfouie, elle a surgi en ordre dispersé lorsque j’ai dégusté le plat du chef Christian Têtedoie : Chawanmushi au haricot viande. Avant de pouvoir la décoder, s’est imposé la conviction que l’inconnu procure parfois, une grande sérénité. Qu’à travers une expérience nouvelle, on peut se retrouver soi-même.

Magie et génie d’un chef qui a peut-être cherché des passerelles pour rejoindre deux univers, en semant des couleurs, des balises communes. Le Chawanmushi se traduit littéralement en japonais comme : cuit à la vapeur dans un bol à thé. C’est en fait, une crème salée aux œufs. D’une grande douceur, c’est aussi un support, un petit bateau convenant au transport des saveurs subtiles. Et cette subtilité reposait dans le bouillon issu de l’eau de cuisson du Haricot Viande. C’est elle qui est venue chercher dans mes souvenirs, ce sentiment de bien-être, d’authenticité et de simplicité.

Chawanmushi au haricot viande

Chawanmushi au haricot viande du Chef Christian Têtedoie

Nous devons faire avancer les choses dans l’intérêt général

Jean-François Tedesco

Retour vers le Haricot Viande

Répondre aux enjeux climatiques localement

Cette dégustation, marque le point final et le point de départ d’une aventure humaine vers le bien commun. À l’occasion du Miam Festival de la Métropole de Lyon en octobre dernier, le Chef étoilé Christian Têtedoie, meilleur ouvrier de France et président de l’association des Maîtres Cuisiniers de France, accueillait une conférence pour présenter le Haricot Viande. Nom intrigant pour une variété tout autant surprenante par son histoire. Ne le cherchez pas dans les rayons, ce haricot n’est pas commercialisé. Pas encore. Il fascine et nourrit de grands espoirs pour répondre aux défis de notre époque.

Que cultiverons-nous dans les prochaines décennies ? À Lyon, cette question se pose puisque selon les estimations du GIEC et du DRIAS, nous pourrions d’ici à 2050 puis 2100, vivre sous des températures semblables à celles que l’on connait de Madrid puis d’Alger, avec des aléas plus imprévisibles au quotidien.

Nous sommes à un tournant de nos systèmes. La bonne nouvelle, c’est que des hommes et des femmes s’associent pour tenter de répondre à cette grande question : comment garantir une autonomie alimentaire, diversifiée, de qualité, respectueuse de l’environnement et des hommes ? Cette soirée suivie d’un repas était l’occasion de revenir sur l’avancée des travaux conjointement menés depuis trois ans autour de cette semence ancienne : le haricot viande.

Les supers pouvoirs du Haricot Viande

300g de graines étaient conservées dans la banque semencière du CRBA, le Centre de Ressources de Botanique Appliqués à Lyon. Elles avaient été rapportées de Chartreuse en 2017. Cette variété en quasi-extinction avait passé plus de 60 ans dans des potagers de montagne, celui d’une vieille maraîchère à 800m d’altitude puis d’un particulier qui les cultivait à 450m. C’est grâce à un programme de recensement et d’étude de la flore sauvage du Parc Naturel de la Chartreuse que les graines ont été retrouvées, par l’entremise de l’association Semence en Montagne.

Haricot grimpant, sa graine est assez classique, de couleur crème aux rayures rouges presque violettes. Il est ramassé sur sa rame lorsque celle-ci est complètement sèche, et la plante fanée. Il s’est adapté à un cycle court de montagne. Cela signifie qu’il pousse vite, résiste à d’importantes variations de températures tout en ayant un faible besoin en eau. De plus, son rendement est quatre fois supérieur au haricot nain. Son nom est également évocateur. Haricot viande... Tout porte à croire qu’il pourrait détenir un taux de protéine très important. Une fois cuit, il prend une belle couleur marron, sombre et veloutée. Son goût, proche de la châtaigne fait de lui un candidat inespéré.

mains haricot expérimentation chartreuse

crédit mes Producteurs mes Cuisiniers

Ré-introduire une semence ancienne

Dans le cadre d'un programme Européen

C’est dans le cadre du programme Européen DIVINFOOD* (impliquant des chercheurs et des partenaires pour soutenir le développement de filières alimentaires végétales en lien avec les enjeux environnementaux) que le Haricot Viande est observé pour ses propriétés d'adaptation au sein de la diversité de terroirs et de climats de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Le projet est coordonné par Jean-François Tedesco, de mes Producteurs mes Cuisiniers, en collaboration avec le CRBA et avec la contribution du chef Christian Têtedoie, sous la direction de Yuna Chiffoleau, directrice de recherches à l'INRAE au département innovation de Montpellier.

« Nous devons faire avancer les choses dans l’intérêt général » explique Jean-François Tedesco « Mais aussi de manière transversale. On est en train de créer une filière avec 300g de graine, on a besoin de tout tester et de faire converger un maximum de regards et de compétences. Il ne faut pas oublier que c’est un sujet d’étude ! Nous n’avons pas encore toutes les solutions. Car malgré ses très beaux atouts, la mise en culture du haricot viande présente aussi quelques inconvénients.»

Du champ à l'assiette

En effet, le haricot viande grimpe jusqu’à trois mètres de haut. Pour le mettre en culture, cela nécessite des installations permanentes trop lourdes comme l’installation de tuteurs, couplé à un gros besoin de main d’œuvre. «Ce haricot a été abandonné car il était grimpant. Notre premier défi, c’est de le ré-associer à une culture mécanisée. Sur deux hectares, c’est envisageable de le ramasser à la main. Mais sur de plus grandes cultures, c’est tout de suite plus compliqué. » Jean-François Tedesco poursuit : « Pour garantir un prix accessible et une juste rémunération du travail, il faut donc trouver des astuces » L’une d’elle consiste à l’associer à d’autres cultures qui mûrissent en même temps. Le haricot viande a donc été mêlé à des plants de sorgho, de tournesol et de maïs. Il se sert de la céréale pour s’accrocher et grimper. La récolte pourra avoir lieu en même temps, mais nécessitera un matériel spécifique pour tamiser et trier les graines.

« Nous avons testé auprès de différentes variétés de tournesols. C’était très surprenant et fascinant d’observer son comportement. Tous les plants ont convergé vers la même variété. Un tournesol aux feuilles plus petites que ses voisins. Il faut trouver des variétés qui n’entrent pas en concurrence pour les nutriments et qui s’adaptent aux mêmes types de sol. Pour le moment, nous n’avons pas noté de signe visuel de souffrance. » explique Jean-Paul Rivoire, producteur à Duerne et testeur pour le haricot viande.

équipe DIVINFOOD

de gauche à droite, Jean-François Tedesco, Thierry Guyot, Christian Têtedoie, Joëlle et Jean-Paul Rivoire

Quand on trafique les plantes, ça les abêtit. Elles ne sont plus capables d’être sensible à leur environnement

Thierry Guyot

Un modèle agricole construit autour de la collaboration

Ramener de la biodiversité avec nos assiettes

« Amener une biodiversité cultivée en Auvergne Rhône-Alpes est merveilleux. C’est très enthousiasmant de refaire parler dans toute une filière, d’un légume oublié. D’autant plus qu’il semble remplir toutes les attentes » se réjouit Thierry Guyot, membre du projet DIVINFOOD et du CRBA est un ancien viticulteur en biodynamie. «J’ai eu la charge de réunir et de constituer une équipe de producteurs prêts à s’investir dans le projet. Ce n’était pas évident à demander parce qu’on leur apportait un travail supplémentaire qui n’est pas rentable à court terme, alors qu’ils connaissent des difficultés au quotidien et un rythme de travail infernal. »

Aujourd’hui, la vie des sols est en danger, les plantes deviennent fragiles et il faut les protéger tout au long de leur vie, à grand renfort d’engrais, de pesticides, de conservateurs... « Quand on trafique les plantes, ça les abêtit. Elles ne sont plus capables d’être sensible à leur environnement. » regrette-t-il. On a coupé le vivant d’une relation large à son terroir. De la même manière que nous nous sommes isolés, coupés des cercles de biodiversité. « Nous sommes à la fin d’un cycle de surproduction. L’agro-industrie, c’est fini ! Il faut se faire à l’idée. L’avenir est à l’agroforesterie par exemple, à des modèles plus petits, plus diversifiés et plus résilients. » assure Thierry Guyot.

Compter sur les compétences du vivant

« Le haricot viande n’est pas bloqué génétiquement et s’adapte à chaque saison. Il suit le climat. Il peut raccourcir ou augmenter son cycle, il se renouvelle. C’est tout à fait fascinant de le voir s’adapter, trouver des stratégies. On se demandait s’il pouvait s’installer sur une zone moins calcaire. Et devinez... ce fût le cas » complète Jean-François. « Si elle venait à être figée par un brevet, elle ne pourrait pas faire ce cheminement. De plus Jean-Paul et Joëlle ont le droit de replanter d’une année sur l’autre sans avoir à devoir quoi que ce soit. »

Jean-Paul et Joëlle Rivoire sont agriculteurs en culture biologique et issues de semences paysanne, à la Ferme de Joanna à Duerne, dans les Monts du Lyonnais. Ils produisent de la farine de blé, orge, épeautre, de l’huile vierge de colza, de la pomme de terre, des oignons, des lentilles...

« On aime essayer des trucs, c’est un petit défi ! » lance Jean-Paul « Cette année, dans les céréales, le haricot viande a bien marché. Mais l’humidité lui donne des tâches. On va regarder à le faire courir au sol. S’il y a de la pluie, ça ne sera pas bon. Mais si la terre est sèche, ça peut être concluant. »

La première année en 2021, avec 25g de graine reçues, soit une petite cinquantaine, ils ont récolté 1 kg. Cette année, ils ont produit 70 à 80 kg. « En 2022, on a eu une année catastrophe. Entre la grêle, les inondations... il nous faut une vision sur cinq ans. On a le droit qu’à un test par an, on dépend du rythme de la nature... » Ils sèment aux alentours du 15 mai et moissonnent mi-septembre. Ce qui fait 120 jours de culture.

Je sais ce qui nous attend. Je veux faire le maximum pour que l’humanité se porte mieux

Chef Christian Têtedoie

Fabriquer de nouveaux imaginaires gustatifs

Les haricots viande ont été apportés au Chef Têtedoie pour être cuisinés. Lors du repas, trois plats ont été présentés et ont nécessité 7 kg de haricot pour environ 30 convives.

« C’est un véritable trésor ! On fait attention de ne rien gaspiller ! » Lors de la fête de l’agriculture le 5 octobre dernier, il a été présenté sous forme de panisse à la sauce tomate : « sur le stand, les gamins me les chipaient, ça a plutôt bien marché !» glisse le chef dans un sourire malicieux.

Si le Chef Christian Têtedoie s’engage dans un tel projet et dans beaucoup d’autre pour promouvoir une alimentation plus durable, c’est bien pour cette génération future. « Avec la naissance de ma première petite fille, j’ai eu un déclic. Quand on vous met un tout petit dans les bras, vous vous demandez quel monde sera le sien. Je sais ce qui nous attend. Je veux faire le maximum pour que l’humanité se porte mieux. »

Au chef Têtedoie donc, de magnifier le produit. Encore faut-il donner envie au grand public de la réintégrer dans son assiette. Ce qui n’est pas si évident, car une mauvaise expérience mène à plus de gaspillage. « Il faut le rendre sexy, tout en le respectant. La légumineuse en général est mal aimée. Si c’est trop compliqué à cuisiner, il n’y aura pas débouché». Dans un premier temps, les restaurateurs peuvent se saisir du rôle d’ambassadeur, grâce à leur savoir-faire. Il est important d’installer de nouvelles attirances, de nouvelles références gustatives qui sauront séduire. Ensuite, l’ambition est d’aller vers des transformateurs et de la conservation. « Un haricot déjà cuisiné, en bocal, permettrait de palier au gaspillage et au désintérêt du consommateur. À condition de proposer de bonnes recettes ! ». Inspiré de la pâte de haricot azuki, une confiture de haricot viande a véritablement marqué le Chef Têtedoie pour sa gourmandise et sa texture. La farine de haricot viande est également très prometteuse pour sa transformation en pain et en crêpe.

S'engager pour demain

« Ce projet, c’est toute la beauté de la recherche et des rapports humains. La perte de lien entre les producteurs et les cuisiniers, mais aussi avec les consommateurs est dramatique. On a besoin de comprendre ce qu’on a dans nos assiettes. La transversalité, pour moi, c’est la clé. C’est ce qu’on a voulu faire avec mes Producteurs mes Cuisiniers. Mettre en lien tout ce monde-là. Mutualiser les outils pour que les producteurs soient justement rémunérés. Sans eux, il n’y a pas de cuisine durable. Et cette nourriture, elle doit être accessible à tout le monde. » confie Jean-François. Le projet ne s’arrête pas là. Des ateliers ont été mis en place pour mettre autour de la table, des chercheurs, des médecins, des nutritionnistes, des cuisiniers de restauration collective et traditionnelle, des producteurs... ce à fin de construire des atterrissages concrets.

« Au final, nous ne sommes que des passeurs. Ma grande fierté de cette année, c’est de le ramener en Chartreuse ! Trois producteurs et un cuisinier, ont rejoint le projet. En moins d’un an, il va pouvoir retrouver ce terroir et profiter aux gens localement. Je suis comblé. »

Il reste deux années au projet d’étude pour concrétiser la ré-introduction du haricot viande, constituant notre patrimoine commun. Il en existe une trentaine à travers l’Europe, tous reliés par la même ambition. Il fait le pari de s’en remettre à l’intelligence collective, humaine et non humaine pour permettre au monde, un débouché digne, à la hauteur des enjeux. Nous avons suffisamment constaté l’impasse dans laquelle nous conduit une industrie tournée vers des objectifs uniquement lucratifs. L’alimentation est un sujet bien trop précieux, bien trop passionnant et indispensable pour ne pas être compris comme un cercle vertueux et diversifié. Les solutions se trouvent lorsque les intérêts convergent et se complètent. Alors, que voulons-nous vraiment et sur quoi sommes-nous prêts à lâcher ?

Histoire de l’évolution des semences

Pour comprendre ce qui motive autant dans son statut de plante oubliée, c’est parce que la grande majorité des semences cultivées aujourd’hui ne sont plus capables de s’adapter aux aléas et ont perdu de leur valeur nutritive.

Dans les grandes lignes :

Une plante transmet son expérience à travers son patrimoine génétique, pour la préparer et assurer sa survie. De génération en génération, elle saura développer des compétences pour palier au manque d’eau, au froid, aux ravageurs... le règne végétal est d’une « intelligence » à travers son adaptation au changement vraiment remarquable. Il est capable d’une grande résilience.

Façonner notre alimentation

Depuis la naissance de l’agriculture, il y a 12 000, le monde paysan a sélectionné des variétés pour améliorer ses conditions de survie. Il assurait le renouvellement d’une biodiversité en prélevant de sa récolte, les semences destinées à la récolte suivante. Les agriculteurs développaient la sélection, la conservation et la multiplication des semences C’est ainsi que la notion de terroir s’est développée. Les plantes se sont adaptées aux spécificités des terrains qu’elles se sont mises à occuper, suite aux échanges de graines entre les populations humaines et via les interférences avec des écosystèmes riches et diversifiés. Ces semences anciennes sont semblables aux êtres humains : chaque individu possède un patrimoine génétique unique, qu’il transmet et enrichit au fil des siècles. Pour donner un ordre d’idée, Nikolaï Vavilov, botaniste, l’un des pères de la génétique mondiale avait collecté dans des lieux de primo-domestication des plantes, berceaux des prémices agricoles de l’humanité 270 000 espèces et variétés dont 70 000 variétés de blé ! Il avait eu cette intuition de diversifier au maximum le patrimoine génétique pour permettre l’alimentation de la population.

Que sont les graines modernes ?

Au milieu du XVIIIe siècle, on s’intéresse à créer des lignées pures, pour répondre aux attentes agricoles et sociétales. L’objectif est de permettre une production à plus grande échelle en l’homogénéisant. Ces lignées sont issues d’un très petit nombre de semences dites « anciennes », pour des propriétés bien spécifiques. Elles ont été isolées et reproduites entre elles pour conserver une caractéristique. Comme par exemple, une lignée de maïs avec un haut taux de rendement et une autre lignée pour un maïs à la chaire juteuse. Ces lignées ont donné des variétés spécifiques, les graines étant toutes parfaitement identiques. Afin de cumuler des caractéristiques souhaitées en une seule variété, on croise ses deux lignées pures jusqu’à éliminer du génome, les caractères non désirables pour ne garder que les caractères d’intérêts. Ces nouvelles variétés se nomment les Hybrides F1. Les premières ont été inventées en 1908. Après la Seconde Guerre mondiale, leur utilisation a été généralisée, pour les céréales, les légumineuses, les légumes... Les semences de lignée pure et les Hybride F1, font l’objet d’une protection juridique via des brevets. Le métier de semencier s’impose parallèlement à l’utilisation d’intrant chimique. En effet, ces hybrides sont également sélectionnées pour leur bonne faculté à assimiler les engrais de synthèse dont elles ont besoin pour être cultivés sur des sols non propices à leur culture.

Les coûts de l'industrialisation de l'alimentation

La compétence semencière est petit à petit retirée aux agriculteurs. Avec l’industrialisation de l’agriculture, les semences majoritairement représentées dans notre assiette aujourd’hui, ont été sélectionnées au niveau de leur génétique, non plus pour leur capacité à s’adapter à leur terroir, ni pour leur richesse nutritive, mais pour répondre à des préoccupations de commercialisation et de tranformation. Meilleur rendement, meilleure conservation, récolte groupée, homogénéité de l’apparence et du goût, couleurs attrayantes, absence de pépins ou d’amertume, chaire moelleuse... il n’y a que demander. Si la nécessité de produire à partir de plantes dites "stables" pour nourrir massivement, les conséquences sont très préoccupantes. Les Hybrides se reproduisent mal. Issues de consanguinité, elles ne peuvent pas transmettre leur patrimoine. D’une année sur l’autre, elles perdent de leur capital, de leur richesse. Et d’une année sur l’autre, il faudra en racheter.

Malheureusement, tout cela à un prix, qui se paye fort. L’uniformisation des espèces a amoindri le patrimoine génétique. Les cultures sont donc plus fragiles, avec un risque de perte accru en cas d’apparition d’une maladie ou grands bouleversements climatiques, sans compter la dépendance aux grands groupes semenciers privés. Le marché mondial des semences est dominé aujourd’hui par trois géants de l’industrie agrochimique : Bayer (qui a racheté Monsanto en 2018), Corteva et Syngenta. Le recours à la chime conduit à un effondrement de la biodiversité, à la pollution des sols et de l’eau, à un accroissement de perturbations sanitaires chez les humains (cancers, maladie cardio-vasculaire, allergies...)

Une récente étude L'injuste prix de notre alimentation estime les coûts cachés de l’agro-industrie pesant sur la santé et l’environnement en France à 20 milliards d’euros par an.

Semence Paysanne, Ancienne ou Population

En parallèle des Hybrides F1 et des lignées pures, existent toujours les semences dites « ancienne », ou « population » ou « paysanne ».

Leur rendement et leur temps de croissance est inférieur aux HF1, et elles ne sont pas très présentables. Leur texture, leur forme, leur couleur, leur calibre varie d’un plant à un autre, ce qui est difficile à récolter et à marqueter. Elles sont cependant plus robustes aux aléas, moins gourmandes en ressources et possèdent des qualités nutritives nettement plus élevées. Et pour les agriculteurs, c’est un gage d’autonomie. Ce sont surtout des plantes encore « entières » et « autonomes », elles représentent notre héritage, notre bien commun. Ce n’est qu’en 2010 qu’on les autorise, sous conditions*, à figurer dans les catalogues de semences officiels. Avant cela, il était impossible de commercialiser ces variétés population. Elles ont subsisté grâce aux engagements de citoyens, de jardinier passionnés, de paysans et de paysannes qui ont poursuivi ce travail de sauvegarde, de conservation et de production.

Le haricot viande fait parti de cette catégorie. Il a poursuivit son évolution et sait s'adapter.

Notes

 *DIVINFOOD projet européen dans le cadre du programme de recherche et innovation Horizon 2020 sous le numéro d'agrément 101000383.

Afin de déterminer avec précisions les apports du haricot viande, il a été envoyé pour analyse à l’Institut de Technologie Chimique et Biologique Antonio Xavier de l’Université Nouvelle de Lisbonne (partenaire du programme DIVINFOOD). Les résultats sont attendus avec beaucoup d’impatience !

sources

Élise Demeulenaere, Christophe Bonneuil, Des Semences en partage : construction sociale et identitaire d’un collectif «paysan» autour de pratiques semencières alternatives, Techniques & Culture, 2011

Mathieu Brier et le Groupe Blé, Notre pain est politique aux Editions de la dernière lettre, 2019

Semences Paysannes ressources

Semence Paysannes Site officiel

Nouvelobs : Cash Investigation : comment les multinationales font leur beurre sur nos fruits et légumes

Hybride F1 sur Wikipédia